mardi 23 février 2016

Acquittée, « Je l'ai tué pour ne pas mourir » - Alexandra Lange






Alexandra Lange, 33 ans, mère de quatre enfants, a été acquittée du meurtre de son mari par la cour d'assises de Douai le 23 mars 2012.
« J'ai voulu montrer le calvaire que vivent des femmes comme moi. Dénoncer le silence de ceux qui savent mais se taisent. Et répondre à ceux qui se demandent pourquoi une femme battue a tant de mal à quitter son tortionnaire. »

Sans doute Alexandra est-elle au début restée par amour. Il y a eu les promesses, également : « Je ne recommencerai plus. » Puis les coups à nouveau, les insultes, les humiliations, les viols, les strangulations, la peur.
C'est la peur qui empêche de partir. Peur de se retrouver à la rue avec ses quatre enfants, peur des représailles sur ses proches si elle se réfugiait chez eux. Peur des menaces directes de son mari : « Si tu fais ça, je te tuerai. » Le soir du drame, Alexandra lui a dit qu'elle allait s'en aller. La fureur de son dernier étranglement l'a terrifiée au point de provoquer son geste fatal.
En reconnaissant, dans son cas, la légitime défense, la justice française a braqué les projecteurs sur les victimes des violences conjugales. Et le témoignage digne et bouleversant d'Alexandra Lange, adressé à nous tous, est aussi un appel à l'aide pour ces femmes en danger.

Editions J'ai Lu (Témoignage)
Publié en 2012
281 pages
A propos de l'auteur : ici


J'ai acheté ce livre après avoir vu le téléfilm " L'emprise" avec Odile Villemin,  téléfilm que j'avais trouvé remarquable et vraiment terriblement émouvant, du coup cela m'a donné envie de lire l'histoire d'Alexandra Lange racontée par elle-même.
Effectivement Alexandra Lange a été une femme battue pendant 12 ans, elle a vécu un véritable calvaire  pendant douze ans, a effectivement tué son mari un soir où celui-ci était particulièrement violent et où elle a pris peur pensant que il allait la tuer.
Elle s'est retrouvée dans la position de meurtrière, ses enfants placés et son affaire jugée au tribunal  de Douai. Sa chance fut d'être défendue par deux avocates remarquables mais également et surement encore davantage par l'avocat général  qui était sensibilisé et se battait contre les violences conjugales depuis longtemps. Cet avocat général qui dans son réquisitoire a demandé l'acquittement et non la condamnation de la prévenue.
Dans ce roman est retracée effectivement toute sa vie, du moment où elle  rencontre cet homme Marcellino qu'elle n'arrive même plus à  appeler par son nom, qu'elle nomme "l'homme "l'autre" "il" tellement cet homme lui a fait vivre un enfer absolu.
La seule bouée de sauvetage d'Alexandra était ses 4 enfants, elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour essayer de les préserver de toute cette violence, mais malgré tout ses enfants  vivaient effectivement aussi dans la terreur  de cet homme  qui pouvait  passer de la gentillesse à la violence absolue en peu de temps.
Ce qui se remarque bien dans ce roman c'est qu’Alexandra Lange  raconte son calvaire sans complaisance et en même temps elle explique le cheminement qui te conduit à accepter inacceptable parce qu’effectivement tout le monde se pose la question mais pourquoi n'était-elle pas partie? Comment a-t-elle pu supporter 12 années de calvaire auprès de cet homme?
Elle explique bien qu'effectivement elle a pensé à partir, elle est même partie mais que sous l'emprise de cet homme, elle est revenue. En effet ces personnes ne sont pas que violentes, elles ont aussi le côté pervers narcissique et elles arrivent à inhiber complètement une  personnalité  qui s’éteint totalement, n'a plus aucune estime de soi et n'a plus envie de rien; juste d’éviter les coups à tout prix et qui donc fait en sorte de ne pas le mettre en colère et de se soumettre totalement.
C'est cette inhibition de sa propre personnalité  et la peur qui retiennent ces femmes auprès de leur bourreau, une emprise tout simplement.
Ne plus être maître de son propre destin cela Alexandra le mets vraiment en évidence parce que partir certes mais pour aller où? Partir pour faire quoi? Sans travail, sans permis de conduire, sans situation, sans études et des enfants à élever tout ceci explique pourquoi elle reste. Et puis il y l'espoir qui ne veut pas mourir, l'espoir du changement, les promesses non tenues mais qui alimentent cet espoir.  
C'est vrai, et Alexandra Lange le dit très bien, que ces femmes peuvent sembler faibles, sans personnalité  et sans caractère pour se laisser marcher dessus comme ça et battre voire violentées mais en même temps que leur propose-t-on d'autre? Car en fait ce  qui met mal à l'aise c'est qu'on se dit que le voisinage, la famille savent que quelque chose est anormal mais que peuvent-ils faire pour aider la personne?  Aller  voir la police soi-même? Intervenir directement? Alexandra Lange le dit dans son livre, son père était le seul qui l'a vraiment aidée (quand elle a eu le courage de lui en parler) qui a pris en main son destin et qui était en train  de tout mettre en place pour qu'elle puisse partir et que son mari ne la retrouve pas. Alexandra l’a tué avant que cette évasion puisse se faire. En même temps combien effectivement de personnes ne se voilent la face? Combien savent qu'il se passe quelque chose mais ne font rien c'est  également toutes ces interrogations qui sont bien mises  en évidence aussi dans ce livre.
Alexandra Lange s'en est sortie et se reconstruit, d'autres n'ont pas eu cette chance, certaines sont mortes sous les coups de leur mari.
Son calvaire a duré 12 ans, une éternité surement mais combien de  femmes endurent encore plus longtemps des sévices comme ça ? Combien, dans la même situation que l'auteure, sont condamnées sans avoir la chance de bénéficier de la légitime défense  et pourtant on devrait considérer que leur peine a déjà été accomplie sous  les coups de leur bourreau.
C'est pour cela qu’il faut impérativement, comme l'expliquent à la fin du roman, les avocates d’Alexandra  que la présomption de légitime défense  soit mise en vigueur dans les cas d'homicides conjugaux puisque toutes ces années passées auprès de leurs tortionnaires relèvent de la légitime défense quand arrive l'irréparable.
C'est un roman coup de poing, qui fait mal, qui remue les tripes  parce qu'il  est écrit avec les propres tripes de l'auteure. C'est vrai que ce n'est pas un style de lecture que j'affectionne particulièrement, je ne suis pas du tout habituée à lire des témoignages comme cela car je trouve que la vie est déjà assez dure sans s'infliger des lectures qui bouleversent autant mais  là c'est vraiment un témoignage  qu'il faut découvrir pour cesser de dire que ces femmes n'ont aucune volonté, aucun caractère et qu'elles sont incapables et trop faibles pour partir parce que justement l'auteure explique très bien qu'il n'y a pas que la faiblesse il y a également beaucoup d'autres choses qui entrent en ligne de compte et que c'est très important de s'apercevoir que ce n'est pas si facile que ça de partir. Et une chose est certaine, contrairement à ce que pensent certains, elles n'aiment pas ça....
C''est un roman que je conseille vraiment à tout le monde parce que, outre le fait que cette histoire est poignante, il est bien écrit avec une écriture simple mais plaisante et donc on le lit facilement tout en étant complètement submergé par l'émotion.


Cette lecture s'est faite dans le cadre du Pioche PAL de Read et je remercie ma Binôme pour son choix




2 commentaires:

  1. Je me souviens du réquisitoire de l'avocat général qui a été filmé. Il est incroyable. Si tu as l'occasion de le voir, n'hésites pas, il complétera parfaitement cette lecture dure mais réelle de ce que vivent ces femmes. Quand je lis ce que tu écris, je me dis que ce sont au final deux hommes aussi qui ont aidé Alexandra Lange : son père et cet avocat général, en plus de ses enfants bien sûr et de ses avocates. On comprend que c'est donc un problème de société dans son ensemble. L'actualité (Mme Sauvage et Mme Dimet) nous montre que le chemin est long.

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    1. Je vais essayer de le trouver parce que je trouve extraordinaire la position de cet avocat, qui est censé condamner et non gracier. Oui le chemin est encore long malheureusement mais j'aime l'idée que'un pas est été fait avec cet acquittement tellement mérité.

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